création: La montagne de Philippe

La montagne de Philippe
« Les enfants, c’est dimanche, c’est le temps d’amener vos fesses et d’écouter la belle histoire du plus ancien du village », dit le vieillard avec un grand sourire. Enfants, adolescents et adultes sont alors venus écouter l’histoire du centenaire. Il faisait noir et la seule chose qui pouvait illuminer la grange en décomposition était des torches à l’huile. Le vieillard commença : « L’histoire que je vas vous raconter est plus qu’ordinaire, c’est l’histoire d’un jeune homme qui a passé dans le village v’la cent ans de ça. C’est mon grand- père qui l’a racontée à mon père qui me l’a racontée et là, je vous la raconte pour que vous la disiez à vos enfants. »
Philippe se promenait dans la rue, tard le soir. Il regardait dans les maisons des familles, par curiosité, triste de ne pas avoir une vie comme celle des autres. Lui, il taquinait les petites filles. Presque tous les soirs, Philippe se trouvait une fille triste et seule et la réconfortait pour ensuite avoir du bon temps avec elle. « Viens ma belle, je te comprends, je vais t’aider à t’en sortir. En plus, tu n’auras même pas à marcher, je vais te porter jusque dans ma cabane. » Il était charmeur. Son petit sourire faisait craquer toutes les femmes. Après avoir fait ses affaires avec toutes les filles du village, que tout le monde le prenait pour un sans coeur, il partit dans un autre village pis un autre pis un autre encore.
« Là vous pensez sûrement que l’histoire va mal finir, c’est vrai, ça ne finira pas comme dans un conte de fées, mais restez attentif, il y a des choses que vous allez comprendre sur la vie mes petits enfants », dit le vieillard. Un moment donné, une femme était tombée dans l’œil de Philippe. C’était la première fois de sa vie qu’il en voyait une belle comme ça. Elle était différente. Personne dans le village ne la connaissait, ils la surnommaient « Lady ». Juste comme ça. La fille avait les cheveux bruns, les yeux bleu clair et la silhouette parfaite. Grande et mince, des beaux seins et des belles fesses. Le soir, il la suivait. Elle allait souvent chez « La Bottine », un bar assez tranquille. Une fois de temps en temps il la regardait prendre son verre de bière avant d’aller se coucher à une place qu’il ne savait pas encore lui-même.
Une semaine après être arrivé dans le village où Lady vivait, il s’était dit qu’il devait aller lui parler. Là, il se demandait comment aller l’aborder. En la regardant tous les soirs, il a remarqué que cette fille-là ne se faisait pas approcher de tous les hommes. Elle était difficile. Parfois, un gars s’approchait et elle l’ignorait complètement, même pas un petit sourire. Parfois, elle le faisait sentir ridicule en lui lançant une insulte quelconque. Il a finalement prit ses jambes à son cou et entra dans le bar, gonfla ses muscles et sortit son beau petit sourire craquant. Une fois à la table de la fille, elle commença à rire. Pas rien qu’un petit rire, à gorge déployée, et elle lui a dit ce qui suit.
 - Si tu penses que tu vas m’impressionner avec tes gros muscles et ton petit visage de bébé!, dit Lady.
- En fait, je voulais te dire que tu es vraiment sexy. D’habitude, t’es pas le genre de filles que je convoite, mais t’as l’air entêtée, tu es comme un défi pour moi alors…, répliqua Philippe.
- Hmmm… Ok, alors j’ai une proposition à te faire.
« Philippe ne s’était jamais attendu à ce genre de réponse de la part de cette beauté  farouche. Il a quand même accepté de l’écouter. », dit le grand-père. Lady lui proposa d’aller marcher dans le bois pendant une heure. Si elle tombait sous le charme de Philippe, elle continuerait à le fréquenter, mais sinon, elle lui réservait une conséquence, et pas une petite à part de ça.
Philippe et Lady partirent vers le bois. Philippe la regardait toujours, presque incapable de mettre un mot dans la conversation. « Tu es belle », dit Philippe. Lady le regardait avec un sourire en coin, mais d’un regard qui voulait tout dire. Elle avait un plan pour lui.
- Dis, tu veux qu’on aille plus haut sur la montagne? J’ai quelque chose à te dire, dit Lady.
- Euh ouais! Bien sûr!
Il pensa alors que tout était dans la poche. Il l’avait séduite, elle lui demandait de se rendre dans un coin caché de la montagne et ils coucheraient ensemble.
-Viens mon beau monsieur muscle, dit Lady.
Philippe était tout excité, il était sûr de l’avoir cette fois. Il avait confiance en son charme. Ils montèrent tranquillement la montagne jusqu’au sommet. Lady se frottait les mains, préparant son plan. Elle le colla soudainement sur la roche, comme si elle allait le violer, mais en fait elle lui avoua qu’elle n’était pas intéressée par un coureur de jupon qui ne savait plus comment séduire une femme, qui n’avait aucun respect pour elles. Philippe était bouche bée. Elle le regarda dans le blanc des yeux et murmura des mots incompréhensibles. Des chaînes apparurent autour des mains de Philippe, des grosses chaînes de métal, ces chaînes entouraient la montagne, de sorte qu’il serait vraiment difficile de se libérer. Le cœur de Philippe battait à cent milles à l’heure et ne comprenait rien de ce qui était en train de se passer. 
-  Pour avoir maltraité des centaines de filles de tous les villages, je te condamne, Philippe, à rester sur cette montagne toute ta vie, affirma Lady.
- Quoi? Quoi? Je ne comprends pas!, répondit Philippe.
- La conséquence de tes actes est de te priver de tout, même de la liberté, et ce, jusqu’à la fin des temps, dit Lady.
Philippe comprit que c’était une sorcière. Une sorcière sexy, mais quand même. Lady disparut d’un claquement de doigts.
« Ça mes enfants, c’est toute qu’une conséquence. J’ai cherché toute ma vie le fameux Philippe dans les montagnes, impossible à trouver. La sorcière était intelligente, personne ne peut le libérer, ni même le trouver. Personne. » dit le vieillard.
Philippe tenta de penser à une alternative qui le ferait sortir de  cette situation. Il criait « HÉ ! », « HO » dans la forêt, à tue-tête, en espérant que quelqu’un entende ses appels, tout ce qu’il voyait, c’était les oiseaux et les bêtes de la forêt qui s’en allaient, effrayés des cris de Philippe. Aucune réponse. Il était seul au monde. Pris d’un découragement total, Philippe a eu l’idée de casser la montagne. En tirant sur ses chaînes, il avait pensé qu’elles pourraient se briser. Il tira de la main gauche. La montagne ne broncha pas. Il tira de la main droite. Aucun résultat non plus. Il remarqua, quelques heures après ces tentatives de libération, qu’à chaque secousse de la montagne, une catastrophe survenait. Une tornade se déclenchait, un tsunami écrasait un pays et tuait des milliers de gens.
Il se sentait encore plus coupable qu’il ne l’était déjà. Il avait fait l’association et avait compris qu’il ne devrait jamais essayer de se libérer, sinon, c’est la Terre qui en subirait les conséquences. Il essayait de se tenir tranquille, mais c’était plus fort que lui, Philippe se secouait d’un côté et de l’autre, faisant tomber des roches et des arbres de la montagne. Ses chaînes étaient usées et semblaient sur le point de rompre, mais tout ceci était de faux espoirs. À cause de ses excès de colère, il y eu des catastrophes naturelles à chaque année, un peu partout sur le globe. Philippe était sur le point de pleurer. Il s’était rendu compte qu’il serait seul toute sa vie. Il ne pourrait plus profiter des joies de la vie, mais seulement des malheurs de celle-ci. Il ne dormait plus, ne mangeait plus, il était vraiment sur le bord du gouffre, ne sachant plus quoi faire pour essayer de s’en sortir.
« Vous voyez mes enfants, l’histoire de Philippe est un bon exemple. Il a fait une gaffe et il s’est retrouvé condamné à vie, enchaîné, à provoquer des cataclysmes contre son gré. Quand vous serez témoins d’une de ces catastrophes, vous pourrez penser au malheureux dans la montagne, introuvable, seul et emprisonné. L’important dans la vie, c’est de s’aimer et apprendre à respecter les autres. C’est pas en vous faisant passer pour un plus fin qu’un autre que vous allez avoir des remerciements ou de la gratitude des autres. Vous allez en faire des gaffes, c’est certain, mais avant d’agir, pensez à Philippe. », dit le vieillard. Les enfants, adolescents et adultes sortirent de la grange où les lanternes étaient presque éteintes. Certains visages étaient tristes. Certains étaient en colère, contre Philippe. C’est à cause de lui que tout ça leur arrivait. Au final, tout le monde éprouvait un peu de pitié pour le pauvre Philippe, même si tout ce qu’il a fait n’était pas justifié et évitable.

Réflexion critique

Comme mon volet analyse porte sur le sens que le mythe prend selon l’époque, j’ai pensé qu’en 2011, il serait intéressant de donner une perspective complètement différente de ce que j’ai analysé dans les différentes œuvres de mon corpus, soit un Hercule sexiste et pris au piège par la nature. J’ai voulu faire dans cette création, un texte qui se rapproche du conte, car Hercule est un mythe et c’est donc facile de le faire raconter par quelqu’un d’externe au personnage principal. Les contes sont intéressants, car ils permettent de mélanger le réalisme et la fiction. Hercule est un dieu, alors je trouvais pertinent d’ajouter un petit quelque chose de fantastique. Les mythes sont souvent racontés oralement, de village en village et j’ai décidé de faire la narration de mon histoire par le plus ancien de la communauté, qui raconte son histoire un dimanche soir à tout le monde. J’ai voulu faire un conte qui témoignait du pourquoi des catastrophes naturelles qui surviennent surtout dans les années 2000, mais dans un contexte plus intemporel. J’ai choisi les thèmes de la sexualité et de la nature, car en 2011, ces deux sujets sont plus présents dans notre société qui prennent de l’importance. Il est aussi intéressant de mettre ce contraste dans l’histoire. La sexualité sans éprouver de sentiments est quelque chose de plutôt artificielle (dans le contexte de mon personnage). J’ai voulu aussi mettre la nature dans mon histoire, car l’environnement doit toujours être pensé en premier et beaucoup de catastrophes naturelles sont survenues dans les dernières années et donc la nature est aussi importante en 2011. Aujourd’hui, le moindre geste que l’on fait doit être sans conséquences sur la planète.

Mon personnage principal n’est pas du tout comme celui des autres artistes qui représentent le personnage d’Hercule.  Je lui ai d’abord donné un nom plutôt moderne, Philippe et je l’ai rendu arrogant, coureur de jupons, « macho » et seul. J’ai tenté de lui donner quelques aspects du mythe original d’Hercule. Je lui ai attribué une grande force (que l’on voit lorsqu’il veut transporter la fille et quand il tente de se libérer), sans la nommer explicitement. Je lui ai mis aussi des relations familiales instables. Aussi, les dieux sont connus pour avoir une sexualité très active et aucune œuvre que j’ai étudiée ne parle de cet aspect, je trouvais alors pertinent d’en dresser un portrait, simple, mais efficace.
Mon projet de création est assez classique, dans le sens où rien ne sort des lieux communs, je me suis mise dans un contexte où j’étais à l’aise. Je sais que j’ai mis quelques clichés : le vieillard qui raconte, la belle femme qui est en fait une sorcière, mais ceci contribue à l’effet classique que j’ai tenté d’intégrer.  J’ai essayé le plus possible de rendre cette histoire intéressante et simple. Je ne voulais pas m’attarder à plein de détails et plusieurs personnages et j’ai réussi à me limiter par rapport à cela. J’ai essayé le plus possible d’écrire au passé, puisque c’est un conte qui se passe il y a plusieurs années. Il y a seulement lorsque je reviens aux commentaires du vieillard que l’histoire est écrite au présent. J’aime beaucoup le fait d’avoir mis des paragraphes dans un registre familier, je trouve que ça nous ramène dans une atmosphère plus intime, on sent que le vieillard est québécois juste dans la manière dont il parle.